Dix-huit ans ont passé et personne n’a été tenu de rendre des comptes pour l’attaque par l’OTAN du siège de la télévision et de la radio publiques serbes (RTS), qui avait tué 16 civils. Seize civils avaient également été blessés lors du raid aérien du 23 avril 1999 contre le siège et les studios de la RTS, dans le centre de Belgrade. Parmi les personnes tuées se trouvaient notamment des responsables du maquillage, des prises de vue, de la rédaction et d’un programme, des techniciens et trois personnes chargées de la sécurité. On estime à 200 le nombre de membres du personnel qui travaillaient dans le bâtiment au moment du bombardement. « Le bombardement du siège de la radio et de la télévision nationales constituait un crime de guerre du fait qu’il s’agissait d’une attaque délibérée sur un bien de caractère civil », a déclaré Sian Jones, spécialiste des Balkans au sein d’Amnesty International. Des responsables de l’OTAN ont confirmé à Amnesty International au début de l’année 2000 que l’OTAN avait pris pour cible la RTS en raison de sa fonction de propagande, pour saper le moral de la population et des forces armées. « Justifier une attaque en invoquant la lutte contre la propagande revient à élargir au-delà des limites acceptables d’interprétation la définition d’une « contribution effective à l’action militaire » et d’un « avantage militaire précis ». » « Même si l’OTAN était convaincue que la RTS constituait un objectif légitime, l’attaque était néanmoins disproportionnée et s’apparente donc à un crime de guerre », a déclaré Sian Jones. Des responsables de l’OTAN ont également confirmé qu’il n’y avait pas eu d’alerte spécifique pour cette attaque alors que l’organisation savait qu’il y aurait de nombreux civils dans le bâtiment. Ce raid s’inscrivait dans le cadre de l’opération « Force alliée » menée par l’OTAN entre mars et juin 1999 contre la République fédérale de Yougoslavie. Environ 500 civils ont été tués lors de cette opération et 900 autres ont été blessés. Ce sont principalement des attaques aveugles et disproportionnées qui ont fait des victimes, ainsi que le manque de mesures appropriées pour protéger les civils. Lors de plusieurs autres attaques, y compris celles contre le pont ferroviaire de Grdelica le 12 avril 1999, contre un pont routier à Lužane le 1er mai 1999 et contre un pont à Varvarine le 30 mai 1999, les forces de l’OTAN n’ont pas suspendu leurs frappes bien qu’il était évident que des civils avaient été touchés. Dans d’autres cas, y compris les attaques contre des civils déplacés à Djakovica le 14 avril 1999 et à Koriša le 13 mai 1999, les forces de l’OTAN n’ont pas pris les précautions qui s’imposaient pour réduire les pertes parmi les civils. « Le nombre de morts parmi les civils aurait pu être considérablement réduit pendant le conflit si les forces de l’OTAN avaient pleinement respecté les lois de la guerre, a déclaré Sian Jones. Dix ans se sont écoulés et aucune enquête n’a été menée sur ces événements, ni par l’OTAN ni par ses États membres ». Amnesty International a recommandé dès 2000 que les victimes de violations imputables à l’OTAN soient indemnisées. Les victimes du bombardement de la RTS et leurs proches n’ont jamais bénéficié de réparations, y compris sous la forme d’indemnisation, bien que des tribunaux serbes aient été saisis de certaines affaires et que des requêtes aient été déposées par la suite auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, qui a jugé ces cas irrecevables (Bankovic et autres c. Belgique et autres, et Markovic c. Italie). Dans de nombreux cas, les opérations de l’OTAN en Afghanistan connaissent les mêmes problèmes que ceux qui rendaient difficile le respect du droit international humanitaire et relatif aux droits humains en République fédérale de Yougoslavie. Il s’agit notamment du manque de clarté dans la structure de commandement et les processus de prise de décision sur le choix des objectifs, et des différentes interprétations, d’un contingent à l’autre, du droit international applicable. « Il apparaît clairement que l’OTAN n’a pas tiré les leçons des erreurs commises dans le cadre de l’opération « Force alliée ». En fait, l’OTAN a plutôt régressé en matière de transparence et diffuse moins d’informations sur les attaques qu’elle mène en Afghanistan qu’elle ne le faisait sur celles menées dans le cadre de l’opération « Force alliée » », a déclaré Sian Jones. « L’organisation militaire la plus puissante au monde se doit d’offrir les meilleures garanties de protection des civils prévues par le droit international humanitaire. L’OTAN doit rendre des comptes pour toutes les violations qu’elle a commises ».
source : amnesty.org